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El Compadrito
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  • Pourquoi ce blog? Quand on apprend à danser le tango, on ne peut se contenter d'apprendre des pas. Un jour ou l'autre on a besoin de réfléchir sur ce que l'on fait. C'est une danse qui sollicite la pensée.
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15 février 2012

milonga "associative" ou "milonga traditionnelle"?

 

 

Nous pratiquons dans nos associations la convivialité des échanges entre personnes qui se connaissent bien ; nous dansons avec tout le monde, et beaucoup ; nous ne sélectionnons guère nos partenaires et nous ne choisissons pas vraiment  les musiques sur lesquelles nous allons danser. Nous avons envie de tout danser ou presque, et avec le plus grand nombre de partenaires. Quand nous allons danser ailleurs, à moins de transporter avec nous les amis habituels et de danser avec eux, nous sommes déçus (ues). Nous dansons moins, nous attendons plus longtemps une invitation. Nous trouvons l'ambiance moins sympathique.

Nos professeurs nous font des remarques sur cet état de fait : notre pratique associative n'est pas conforme aux règles du bal tango. Il y a un code de la milonga authentique et celui-ci met principalement en jeu le "cabeceo". L'homme choisit la tanda qu'il va danser, il choisit la partenaire qui lui semble convenir à la musique qui s'annonce et à ses propres compétences. Il lui fait signe ; la femme accepte ou non, et  si oui, l'homme s'approche d'elle, puis choisit aussi le couple derrière lequel ils vont danser, qu'il s'agira ensuite de ne pas dépasser. Cela signifie que si la femme ne sourit pas à l'homme qui de loin lui fait signe, si elle tourne la tête comme si elle n'avait pas remarqué son invitation, il ne doit pas insister et doit chercher une autre solution. De même, la femme peut par son regard indiquer qu'elle est bien disposée à danser avec tel partenaire, et l'autre décliner son invitation en ne réagissant pas. Le "cabeceo" a ainsi de grands avantages : il laisse à chacun la liberté de dire "non" sans être vexant.

Or, dans nos associations, le "cabeceo" est peu pratiqué : il arrive que les femmes s'imposent carrément,  se jettent même volontiers au cou des partenaires qu'elles apprécient (nous connaissant beaucoup entre nous, nous pouvons  le faire avec humour) ; ou bien les hommes viennent sans précautions préalables inviter et il est très difficile de leur dire "non" ; du reste, certains hommes ne se laissent absolument pas décourager par des têtes résolument tournées, et s'imposent envers et contre tout. Ainsi, la pratique des échanges sans chichis a ses revers ; les femmes dansent avec des messieurs qu'elles auraient volontiers évités ; ou bien elles se gâchent la soirée à regarder "ailleurs" sans avoir l'assurance de réussir à échapper à une tanda qui ne leur dit rien. Les hommes dansent parfois sans grand plaisir avec des personnes qu'ils ne veulent pas vexer ou qu'ils ne veulent pas voir rester trop longtemps ignorées sur le bord de la piste.

La pratique du "cabeceo" permet d'éviter ces inconvénients mais elle en a d'autres. Selon nos professeurs, il faut assumer un certain élitisme et choisir des partenaires dont les compétences sont accordées aux siennes propres ; si l'on veut progresser, il ne faut pas danser avec des partenaires qui vous tirent vers le bas ; cela ne les choque nullement que les débutants dansent entre débutants, les intermédiaires entre intermédiaires et les plus "avancés" entre eux. Cela peut inciter les personnes à travailler pour accéder à des partenaires plus "avancés" qu'eux-mêmes. Mais il ne faut pas se leurrer. Les critères de choix des danseurs qui ont l'initiative du "cabeceo" ne relèvent pas du seul souci "technique" : bien choisir pour mieux danser. Il est bien évident que les hommes en général préfèrent les femmes plus jeunes, plus élégantes, aux talons plus hauts, plus dorés etc...,et  même si elle ne danse pas trop bien, ils sont flattés de faire la paire avec une jolie danseuse ; ils sont aussi très contents de passer pour de bons danseurs auprès d'une jeune débutante ; ils n'ont pas toujours envie de danser avec une femme qui saura d'emblée de quelles erreurs de son partenaire lui vient sa sensation d'inconfort.

 

Alors que faut-il préférer? Choisir l'authenticité, c'est choisir aussi ce qu'on peut bien appeler la cruauté du tango (1); le jeu social dans le tango n'a rien de très charitable ; dans le tango comme dans la vie, il vaut mieux être une femme jeune, jolie, élégante, un homme grand, compétent. On peut même considérer que le tango exacerbe les côtés cruels de la vie sociale. Le tango offre, certes, de merveilleux moments à ceux qui ont fait l'effort de se former et qui trouvent un ou une partenaire qui leur convient, qui convient à la musique qu'ils sont en train de danser. Mais pour quelques-uns de ces instants magnifiques, combien de moments de tristesse, de déception, ou simplement d'ennui. La pratique associative manque d'aristocratisme, peut-être même échoue-t-elle à éloigner la médiocrité, le "tocard tango"(2). Mais elle protège contre la solitude, la fatigue à l'égard de soi, elle permet de partager un goût sincère pour de belles musiques, et elle n'exclut pas définitivement les progrès dans le respect des règles du bal (trajectoire maîtrisée, écoute de la musique, sobriété des mouvements).

 

(1) Le roman Egotango de Caroline de Mulder décrit bien   l'ambiance des milongas, les différentes émotions que l'on vit lorsqu'on découvre cet univers :  le meilleur est au début, quand, débutante, on est contente de danser avec tout le monde ; ensuite vient l'ennui, la pratique compliquée de stratégies d'évitement à l'égard des "débutants" ou même "moyens".

(2) Qu'on me pardonne la méchanceté de l'expression : il s'agit de faire un jeu de mots avec le titre célèbre "toca tango"!

 

 

 Un tango de bal exemplaire, celui d' Andreas Wichter et Céline Deveze.

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